L’Histoire de l’Ao Dai / Câu chuyện về chiếc áo dài.
Pour Em / cho Em :
I still remember how you sat here with your short hair « Il y avait du soleil à Saigon, mais je sentais une brise fraiche quand je marchais
It’s because you wore that Ha Dong silk dress C’est parce que vous portiez cette robe en soie de Ha Dong
I still love the color of that dress so much J’aime toujours autant la couleur de cette robe
I still love the color of that dress so much J’aime toujours autant la couleur de cette robe. ».
« Nang Sai Gon anh di ma chot mat
Boi vi em mac ao lua Ha Dong
Anh van yeu mau ao ay vo cung
Anh van yeu mau ao ay vo cung. »
Áo lụa Hà Đông (Ngô Thụy Miên – Nguyên Sa) 1974.
L’ao dai (habit long) est le vêtement emblématique de la culture vietnamienne. Il se prononce ‘ao yaï’ au Sud et ‘ao zaï’ dans le Nord.
Selon un dicton célèbre, ‘L’ao dai couvre tout, mais ne cache rien’. La beauté de la Femme Vietnamienne est sublimée par l’ao dai qu’elle porte et l’harmonie qui s’en dégage quand elle bouge ou quand elle marche.
Instrument de protestation et de révolte face aux différentes occupations étrangères et aux nombreuses tentatives pour le faire disparaitre, l’ao dai a sû au fil du temps, évoluer et perdurer pour devenir ce qu’il est aujourd’hui ; l’exemple charismatique de l’adaptation et de l’esprit créatif des Vietnamiens qui ont su utiliser des éléments de cultures étrangères pour en faire un symbole national.
La plupart des documents et des informations utilisés dans ce livre, proviennent des souvenirs publiés par les Français, lors de leur séjour dans l’ancienne Indochine.
Cet ouvrage a pour seul but d’apporter ma contribution à l’histoire de ce costume et à exprimer mon admiration pour celles qui le portent.
« En rentrant dans une famille, on doit en adopter les coutumes. En naviguant sur un fleuve, on doit en suivre les méandres. » (Nhập gia tùy tục Đáo giang tùy khúc.) (Proverbe Vietnamien).
Quelques termes utilisés dans cet ouvrage et traduits en 1863.
(Grammaire ammanite suivie d’un vocabulaire FRANÇAIS-ANNAMITE et ANNAMITE-FRANÇAIS, pages 182, 265, 330, 386, 410, G. AUBARET, 1867, Editeur Imprimerie Impériale).
Les Tambours de DONG SON / Trống đồng Đông Sơn.
Entre le Ve et le IIIe siècle avant J.C, des tambours en bronze de la civilisation de Dong Son dans la province de Thanh Hoa (visibles au Musée Guimet à Paris et au Musée de l’Histoire du Vietnam de Hanoi) présentent des gravures de la vie d’agriculteurs, de chasseurs et de pêcheurs. Les hommes ont des tatouages sur le corps et les cheveux noués sous un turban. Les femmes portent des habits étroits et des jupes courtes. Tous ont les pieds nus.
Tambour de Dong Son, Musée National de l’Histoire du Vietnam, Hanoï.
Collection EFEO.
Tambour de Hoang Ha, Musée National de l’Histoire du Vietnam, Hanoï.
Tambour de Ngoc Lu, Musée National de l’Histoire du Vietnam, Hanoï.
Tambour du Song Dà dit « tambour Moulié », Musée GUIMET, PARIS.
Les Soeurs Trung / Hai Bà Trưng.
En l’an 39, pour certains auteurs, les sœurs Trung, Trung Trac et Trung Nhi (Hai Bà Trung), héroïnes vietnamiennes, auraient porté des jupes pour être plus à l’aise pendant leur lutte contre les Chinois. Ce changement vestimentaire serait à l’origine de l’ao dai. Voici un résumé de leur histoire :
A la suite de l’assassinat de Thi Sach, le mari de Trung Trac, haut fonctionnaire de Chau dzien, qui s’était opposé à l’occupant, elles entrent en guerre contre les troupes chinoises du gouverneur To Dinh (de Gia Chi), au Viêtnam. Elles constituent une armée et attaquent le chef-lieu du commandement militaire. To Dinh s’enfuit à Canton ou est décapité, selon les versions. Les 75 citadelles des étâts de Nam hai, Cuu chan et Nhat nam se placent sous l’autorité de Trung Trac qui se déclare reine ‘Trung veuong’ (roi Trung) et dirige le pays pendant trois ans. Les hostilités reprennent pendant deux ans et leur armée est vaincue en 42, par les chinois, plus nombreux et mieux aguerris, sous la conduite du général Ma viên. Une fois encore, les versions différent sur leur sorts ; les deux sœurs se seraient suicidées en se jetant dans la rivière Hat ou elles se seraient retirées à Cam khe ou auraient été décapitées et leurs têtes envoyées à l’empereur à Lo yang. (Notes historiques sur la nation annamite, page 39, Le P. Legrand de la Liraye, 1866).
Révolte des Sœurs Trung sur papier traditionnel Dong Ho, collection Philippe CHAPLAIN.
On trouve de nombreux temples à leur mémoire et un jour de congé annuel est accordé en février pour commémorer leur disparition. Un quartier de Hanoi porte leur nom ainsi que de nombreuses rues et écoles et pagodes à travers tout le pays.
Sœurs Trung, Temple Hai Ba Trung à Hoang Ha, près de Hanoï.
Evolution of Vietnamese Clothing, Lilsuika (Nan).
Au XVe Siècle / trong thế kỷ 15.
De 1412 à 1427, la dynastie chinoise Minh occupe le Vietnam. Elle oblige les femmes à porter des pantalons afin qu’elles ressemblent à ses ressortissants avec l’interdiction de montrer leurs pieds. Le ‘ao yem’ (pièce de tissu en losange attachée au cou et dans le dos par des cordons pour cacher la poitrine), le ‘vay kin’ (jupe fourreau fermée, constituée d’une seule pièce cousue, nouée à la taille) et le ‘vay mo’ (jupe plus courte, ouverte et non cousue), portés jusque là, sont bannis, accusés d’être contraires à la morale et à la modestie. Le laquage des dents, l’usage du betel et les cheveux longs sont proscrits.
Femmes portant le « ao yem », collection Philippe CHAPLAIN.
En 1418, Le loi (Thai to), fils d’un chef de la province de Xu thanh, se proclame roi de Binh dinh et avec l’aide de Nguyen tien, un des plus grands lettrés de l’époque, il prend la tête de la rébellion contre l’envahisseur et se fera reconnaitre comme roi d’Annam (Nam-quôc-vuong). Cette période marque véritablement l’indépendance du pays au regard de la Chine. En 1428, après son avènement, la jupe retrouve sa place, principalement chez les paysannes, le pantalon devenant un symbole de puissance et de richesse chez les mandarins.
Evolution of Vietnamese Clothing, Lilsuika (Nan).
Au XVIIIe Siècle / trong thế kỷ 18.
Dans les années 1700, l’ancien Vietnam est divisé entre deux seigneurs, Les Trịnh au Nord et les Nguyen au Sud. Cette rivalité qui avait débuté au XVIIème siècle (1620 à 1674) connu une trève d’un siècle. Elle reprent en 1774 lorsque les Trinh s’emparent de Hué au détriment des Nguyen, accaparés par la révolte des Tay son. Les hommes et les femmes portent alors une veste courte, non fendue sur le coté et boutonnée sur le devant. Pour les femmes, celle-çi recouvre un pagne appelé ‘man’ et pour les hommes, une bande d’étoffe enroulée autour des reins, passant entre les jambes et s’attachant à la ceinture, le ‘kho’ (appellé aussi can chian et langouti en français). Les Nguyen s’implantant vers le midi, après avoir conquis le territoire Cham et même une partie du Cambodge, tous les Vietnamiens adoptent l’ancien costume, du paysan jusqu’aux plus hauts dirigeants. La différence de rang social s’affiche dans le tissu et les couleurs : satin et soie de couleur jaune dorée avec des dragons brodés pour le roi, doublure orange ou jaune pour les reines-mères et rouge pour les princes. Les mandarins portent la couleur pourpre et les rangs moins importants, le bleu. Les cheveux longs symbolisant la piété filiale selon la doctrine confucéenne, doivent dorénavant être enroulés.
Illustrations de Recueil de plusieurs relations et traitez singuliers et curieux, J. B. Tavernier, 1679, collection Philippe CHAPLAIN.
En 1739, sous la dynastie des Lê, de nouvelles règles sont établies pour le costume officiel des mandarins selon leurs rangs, certains portent des habits à fleurs et d’autres de couleurs unies, interdit au peuple qui revient au pantalon se rapprochant du costume traditionnel chinois. (Gia dinh thung chi (description du pays de gia dinh), pages 74 & 75, traduit par G.AUBARET, 1864, Editeur Imprimerie Impériale). (Le Gia dinh thung chi est écrit vers 1830, à l’époque du roi Minh mang, par le haut mandarin Trang hoï duc, lieutenant du vice-roi de Gia dinh, en 1810. Le pays Gia dinh est constitué des 6 provinces de la basse-Cochinchine (Nam ki). C’est aussi l’ancien nom de la ville de Saigon.).
Illustrations de l’abrégé de l’histoire générale des voyages, Jean François de La Harpe, 1780-1781, collection Philippe CHAPLAIN.
Costumes de mandarins, collection Philippe CHAPLAIN.
Au XIXe Siècle / trong thế kỷ 19.
Entre 1820 et 1841, Minh Mang, deuxième empereur de la dynastie des Nguyen règne sur le pays. Il interdit la jupe, contraire selon lui, aux valeurs confucéennes.
Entre 1848 et 1856, un ancien missionnaire apostolique français, nous fait une des premières descriptions des vêtements de cette époque : « Les Cochinchinois, hommes et femmes, portent tous leurs cheveux sans les couper jamais, excepté quand ils sont jeunes dans l’enfance ; on leur laisse seulement une petite houppe….L’habit annamite est très décent : il se compose d’un large pantalon fixé autour des reins par une ceinture de soie, ainsi que d’une petite blouse qui couvre le haut du corps jusqu’aux genoux ; l’habit de cérémonie est plus long, plus large et d’étoffe d’un meilleur prix. La tête du Conchichinois est environnée d’une pièce d’étoffe, de crèpe ordinairement qui lui sert de turban. Les femmes ont à peu près le même costume ; seulement elles doivent avoir les habits un peu plus longs quoique le contraire arrive souvent. Elles n’ont jamais de turban et vont tête nue ; elles se servent de cordon au lieu de ceinture pour fixer leur pantalon ; la coquetterie, comme partout, n’est pas leur moindre défaut ; elles ont ordinairement des boucles d’oreilles, des bagues aux doigts, des épingles d’or dans leurs cheveux… » (Voyage dans l’Indo-chine, page 137, 1858, M.C.E. BOUILLEVEAUX, Editeur Victor PALME).
Après 1859, avec l’arrivée des Français, l’ao dai évolue en même temps que le mode de vie des habitants En ville et lors des grandes occasions, les femmes portent le ‘áo ngũ thân’ (une chemise longue, de couleur vive, constituée de cinq pans de tissu, ngu signifiant cinq, s’ouvrant sur le devant), par-dessus le áo yém pour se couvrir le dos.). Il s’attache à la taille par deux pans alors que les autres pans sont laissés libres. Les femmes moins aisées se rabattaient sur le ‘ao tu thân’, constituée de quatre pans (tu signifie « quatre »). On peut lire, à ce sujet, les premiers témoignages des Français :
En 1861 : «…Celui des Annamites se compose d’une blouse boutonnée sur le coté, d’un pantalon coupé à la mode chinoise qui est plus décente que la nôtre et de sandales de cuir rouge. C’est là le costume des Annamites en place et des riches ; mais la plupart des hommes du peuple, paysans ou bateliers, ont pour tout vêtement, une pièce d’étoffe qu’ils relèvent au moyen d’une ceinture et qui s’appelle le ‘can chian’ (appellé aussi kho et langouti en français) …Le costume des femmes ne diffère pas sensiblement de celui des hommes : une robe et un pantalon. C’est une grande élégance de porter des pantalons de quatre couleurs éclatantes, disposés en bandes verticales…La soie qui modèle exactement leurs formes, les montre telles que la nature les a faites. Il y a de jolies femmes annamites : une figure ronde, des yeux veloutés et bien fendus, une pâleur mate et une sorte de délicatesse enfantine, composent un type qui ne s’éloigne pas de nos idées sur la beauté et qui serait remarqué en Europe… ». (Histoire de l’expédition en Cochinchine en 1861, pages 171 & 172 par Léopold PALLU DE LA BARRIERE, 1888, Editeurs Berger-Levrault et Cie).
Ao tu thân.
Ao ngu thân.
En 1869-1870, on trouve quelques informations sur le prix des vêtements : « Costume complet d’une femme aisée : un pantalon et des chemises en soie plus ou moins brochées. Le pantalon rouge et la chemise bleue sont le comble de l’élégance d’une congaï annamite. La chemise bleue recouvre une chemise blanche en contact avec la peau et est recouverte par une chemise noire, sorte de tulle… ».
La Cochinchine française, La vie à Saigon, notes de voyage, M. A. PETITON, 1883, Editeur L. DANEL.
En 1871 : « …Le costume est le même pour les deux sexes. Il se compose d’un pantalon descendant jusqu’à la cheville, retenu par une ceinture qui leur sert de poche, d’une robe courte en soie ou coton, ouverte sur le coté et retenue par des boutons de verre ou de cuivre, d’un turban en soie ou coton et d’un chapeau en feuilles de palmier ou de cocotier…Les femmes se reconnaissent par leurs boucles d’oreilles et leur collier d’ambre ou d’argent, elles ont aussi les dents noires, chiquant également le bétel. » (Souvenirs de Cochinchine par Charles-David de MAYRENA, page 32, 1871, Editeur J. LAURENT)
En 1878 : « …Les lois somptuaires défendent au peuple de porter de la soie ; mais en basse Cochinchine, depuis notre occupation, les filles d’Eve, au teint jaune, n’ont pas manqué de profiter de la liberté que nous leur laissons, pour se vêtir au gré de leur caprice, et l’on voit aujourd’hui à Saigon, tout comme sur le boulevard des Italiens, des demoiselles de fantaisie, vêtues de soie claire et portant des bagues, tout comme des filles de mandarins. Fort heureusement jusqu’ici, les costumes sont restés chez les deux sexes, conformes aux anciens types… » (Le Tour du Monde, nouveau journal des voyages par Edouard CHARTON, page 50, 1er semestre 1878, Editeur HACHETTE & Cie).
Evolution of Vietnamese Clothing, Lilsuika (Nan).
En 1889 : « Costume national – 1° Tunique légère appelée cai ao (ou ke ao), en soie ou en cotonnade du pays. La question de la longueur du cai ao et de la largeur de ses manches agita plusieurs fois les graves administrateurs de l’Annam. Les Minh qui avaient aboli le tatouage, obligèrent les femmes annamites à se vêtir d’habits courts à larges manches. Mais avec Le Loï, reparut le cai ao long à manches étroites…Aujourd’hui, le costume universellement porté par les Annamites, est celui qu’avaient interdit les Minh : cai ao long à manches étroites… Le cai ao est fendu sur le coté gauche depuis la hanche jusqu’en bas. Il vient croiser sur la clavicule droite et descend directement jusqu’au genou qu’il couvre ; il se ferme au moyen de petits boutons sphériques en cuivre depuis l’encolure jusqu’à la hanche, à partir de laquelle les deux pans flottent symétriquement à ceux du coté gauche. Le cai ao commun est fait avec une cotonnade du pays qu’on immerge dans une décoction de cunao ou cu nau (faux-gambier) de manière à lui donner une teinte fuligineuse. Mais il y a des cai ao de soie de différentes couleurs, à l’exception du jaune vif qu’une loi somptuaire réserve au roi. (Les couleurs rouge et bleue que plusieurs livres ont cités comme étant le privilège des mandarins, peuvent être portées, aujourd’hui par tout le monde. Les broderies seules, donnent aux vêtements de ces nuances, un caractère officiel). Plus un Annamite est riche, plus il porte de cai ao. J’invitais un jour à déjeuner, un personnage de Nam dinh. Il arriva revêtu de sept cai ao. Le premier sur l’épiderme était en soie noire puis venaient un bleu, un rouge, un lilas, un vert, un gris cendré et enfin un blanc broché qui recouvrait tous les autres. La cai ao de la femme est en tout semblable à celui de l’homme mails il tombe jusqu’au mollet. Elle le laisse souvent ouvert en haut pour faire paraître son cache-sein qui est toujours d’une couleur différente. 2° Le pantalon ou cai quan (ou ke kuan) est flottant, très large, de même étoffe que le cai ao et descend ordinairement jusqu’à la cheville. La femme le laisse tomber jusqu’au pied. Il est sans fente, ni devant, ni derrière. La femme le maintient aux hanches à l’aide d’une coulisse, l’homme le serre avec une ceinture. Le cai quan qui se porte avec le cai ao noir est blanc, c’est le costume populaire. Avec un cai ao de soie brochée, le cai quan est de même nuance…Depuis la domination des Minh, les Annamites portent les cheveux longs. Ceux des hommes sont enroulés en un chignon maintenu fixe par un peigne caché. Ils augmentent souvent le volume de ce chignon par l’introduction à l’intérieur d’un paquet de crins. Un turban noir ou cai kahn empêche tout cet échafaudage de s’écrouler. La femme enroule toute sa chevelure en une seule natte non tressée qu’elle enveloppe avec son cai kahn, dont elle fait ensuite le tour de la tête, le disposant à peu près comme celui des hommes…Le costume national est complété pour les hommes par la sandale en peau de chien, pour les femmes par la même sandale relevée au bout du pied.(Voyage d’exploration de Hue en Cochinchine par la route mandarine par Camille PARIS, pages 291 & 292, 1889, Editeur Ernest LEROUX).
Au XXe Siècle / trong thế kỷ 20.
En 1916, tous les élèves de l’école publique ont une coupe de cheveux ‘carrée’ et le retour des soldats indochinois ayant participé à la guerre de 1914-1918 marque une nouvelle évolution des vêtements : en ville, les hommes se coiffent à la française et portent des vestons et des costumes et les femmes, des couleurs plus variées avec des tissus plus légers. Le pantalon en lin de Buoï (village en périphérie de Hanoï) disparait peu à peu.
Dans les années vingt, Hai Chinh invente le ‘khan xep’ (turban chapeau), un cylindre en carton de plusieurs centimètres de hauteur, enveloppé de tissu que l’on pose sur la tête et qui évite de nouer ou dénouer l’ancien turban, plusieurs fois par jour.
En 1925, on trouve l’appellation cai ao dai dans le Voyage en Cochinchine de Léon WERTH : «… En cai ao dai gris perle sur cai quan noir, diamants à tous les doigts, sauf aux pouces, couchée sur la banquette, l’ancienne directrice de théâtre fume l’opium dans le petit salon de la chaloupe… » (EUROPE, page 270, 15 Novembre 1925, Editeurs F. RIEDER et Cie).
Dans les années trente, un dessinateur, ayant étudié à l’école des beaux-arts de Hanoï, Nguyen Cat Tuong, plus connu sous le nom de Monsieur LEMUR (traduction française de son prénom Tuong) crée la tunique ‘ao Lemur’ qui est associée à la femme moderne, influencée par la mode parisienne. Propriétaire d’un magasin au 16 rue Le Loi à Hanoi, il propose une tenue inspirée de l’ancien ao ngu than avec un col ajouré et des emprunts français, comme la dentelle et les épaulettes et fermée sur le coté droit par des boutons. Constituée de deux pans au lieu de cinq, un devant, l’autre derrière, la tunique est fendue de la taille jusqu’aux pieds et recouvre un pantalon blanc, jusqu’ici réservé aux hommes. Ainsi, l’ao dai met en valeur la beauté du corps.
Dés Février 1934, la revue « Phong Hoa » publie des modèles de robes modernes. La femme vietnamienne se montre à l’extérieur, s’émancipe de la tradition confucianiste, entre dans la modernité mais avec un costume traditionnel. Progressistes et traditionalistes se querellent quelques temps…
PHONG HOA N°87, 1934 03 02 & N°89, 1934 03 16.
Vers 1936, le fameux peintre Lê PHO, membre de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris en 1930, fils du tông-dôc de Hai-duong, ayant bénéficié de la culture mandarinale, modifie l’ao dai Le Mur afin d’en gommer le coté colonialiste. Le col et les manches dentelées sont épurés tout en gardant la mise en valeur des formes. Compromis entre tradition et modernité, il se rapproche de l’ao dai traditionnel ‘ao tu than’.
À partir de 1954, avec la séparation du pays par la Conférence de Genève, l’ao dai, considéré comme un vêtement bourgeois associé au colonialisme, est banni au Nord. Cependant, il continue à être porté au Sud et devient l’uniforme obligatoire pour les lycéennes.
Dans les années 1950-1960, deux couturiers de Saigon, Tran Kim de l’atelier Thiet Lap Tailleurs et Dung de Dung Tailleurs, créent le áo dài’ avec des manches raglan, manches coupées en diagonale remontant jusqu’au cou qui éliminent les lignes de plis du ‘ao Lemur et du ‘ao Le Pho’. Il est plus ajusté à la taille et aux manches et met encore mieux le corps féminin en valeur. Le col d’inspiration manchoue, remonte plus haut et limite les mouvements du cou de la femme pour lui donner un air distingué de femme aisée, la différenciant ainsi de la femme qui travaille. Il est le symbole d’un nouveau pouvoir économique.
Dans les années soixante, la femme de Ngo Dinh Nhu, Tran Le Xuân, (connue sous le nom de Mme Nhu), belle-sœur du président Ngo Dinh Diem et Première dame de la République du Vietnam (le président était célibataire) use de son influence pour imposer l’adoption d’un code de la famille, interdisant la polygamie, rendant plus difficiles le divorce et l’adultère[] et faisant des femmes les égales des hommes. Elle remplace le col de l’ao dai par un décolleté, qui dévoile la peau jusqu’à la base du cou et devient un symbole de la libéralisation de la femme saïgonnaise.
Evolution of Vietnamese Clothing, Lilsuika (Nan)
Le 30 avril 1975, Le Nord et le Sud sont réunis pour devenir un seul pays sous un régime communiste. Saigon est rebaptisée Ho Chi Minh Ville pour signifier cette victoire du Vietnam du Nord sur le Sud. Le nouveau gouvernement fait campagne idéologique contre ‘l’élément bourgeois’ et le ao dai saigonnais est considéré comme une « décadence étrangère ». Il est remplacé par un simple chemisier porté par-dessus un pantalon, pratique pour le travail et la reconstruction du pays, après trente années de guerre. L’unité socialiste est en marche…Certains Vietnamiens bravent cette exclusion lors de cérémonies comme le Têt du Nouvel An ou les mariages. Non souhaité par les nouvelles autorités, il devient le symbole de protestation du régime communiste pour les vietnamiens de l’étranger.
En 1986, lors du sixième congrès du parti communiste, est décidé la politique du Doi moi (changer- nouveau), l’économie de marché mondiale est autorisée puis encouragée. L’ao dai retrouve sa place comme levier de l’économie nationale et comme symbole de la société vietnamienne moderne.
Le 10 septembre 1995, Truong Quynh Mai, la représentante du Vietnam pour le Miss International Pageant à Tokyo, reçoit le prix du Best National Costume (meilleur costume national). Elle est vêtue d’un ao dai en brocard bleu décoré de motif de fleur argenté, porté sur un pantalon blanc et coiffée d’un ‘khan dong’ (coiffe ressemblant à une couronne). Cette consécration est reçue comme une fierté nationale et une reconnaissance de l’ao dai et de la beauté de la femme vietnamienne aux yeux du monde entier.
Couturiers et tailleurs doivent répondre à de nombreuses commandes identiques à la tenue primée et de nombreux étrangers, clients et designers tels Ralph Lauren, Richard Tyler, Claude Montana, Calvin Klein et Giorgio Armani, montrent leur intérêt pour la mode vietnamienne. Vingt ans après son bannissement, l’ao dai tient sa revanche. Il est aujourd’hui l’uniforme des lycéennes, et les entreprises vietnamiennes en font également un uniforme à leurs couleurs.
Calvin Klein, collection Automne-Hiver 2011-2012, inspirée des Ao Dai.
Philippe CHAPLAIN – 2017.
Documents supplémentaires / tài liệu bổ sung.
En ce début de XXème siècle, l’importation de coton de France, Pondichery et Hongkong diminue d’année en année à cause de l’installation de filatures au Tonkin (Vietnam du Nord). Voici les lieux de production :
Filatures de coton en 1901.
(Gouvernement général de l’Indo-chine, bulletin économique, page 511, Juillet 1902, nouvelle série, n°7, Editeur F.-H SCHNEIDER).
En 1931, le terme ao dai est couramment utilisé dans la langue française.
(Bulletin de police criminelle – Indochine Française, page 13, 22 Août 1931).
Cartes postales Françaises en 1900, collection Philippe CHAPLAIN.
Cartes postales Françaises en 1900, collection Philippe CHAPLAIN.
Enveloppes timbrées et cachets 1er jour, collection Philippe CHAPLAIN.
Femmes Vietnamiennes dessinées par des artistes Français en 1950.
Musiciennes en costume sur papier traditionnel Dong Ho.
« Nang Sai Gon anh di ma chot mat
Boi vi em mac ao lua Ha Dong
Anh van yeu mau ao ay vo cung
Anh van yeu mau ao ay vo cung
Anh van nho em ngoi day toc ngan
Ma mua Thu dai lam o chung quanh
Linh hon anh voi va ve chan dung
Bay voi va vao trong hon mo cua
Em chot den, chot di, anh van biet
Troi chot mua, chot nang chang gi dau
Nhung sao di ma khong bao gi nhau?
De anh goi tieng tho buon vong lai ….
Em o dau, hoi mua Thu toc ngan?
Giu ho anh mau ao lua Ha Dong
Anh van yeu mau ao ay vo cung
Anh van yeu mau ao ay vo cung…
Anh van yeu mau ao ay em oi ».I still remember how you sat here with your short hair
« Il y avait du soleil à Saigon, mais je sentais une brise fraiche quand je marchais
It’s because you wore that Ha Dong silk dress C’est parce que vous portiez cette robe en soie de Ha Dong
I still love the color of that dress so much J’aime toujours autant la couleur de cette robe
I still love the color of that dress so much J’aime toujours autant la couleur de cette robe.
Je me souviens encore de la façon dont vous vous êtiez assise ici avec vos cheveux courts
But the Autumn season lengthened so much all around us Mais la saison d’automne s’est allongée tellement autour de nous
My soul hastily painted your portrait, Mon âme a rapidement peint votre portrait,
And I hastily sealed it within my wide-opened soul Et je l’ai scellé à la hâte dans mon âme ouverte
You suddenly came, and suddenly left, but I still understand Vous êtes soudainement venu et aussi soudainement parti, mais je comprends bien
Since weather changes suddenly with rain and sunshine, and that’s nothing Comme le temps change brusquement avec la pluie et le soleil, et ce n’est rien
But why did you disappear without leaving me a word? Mais pourquoi avez-vous disparu sans me laisser un mot?
Causing me to let out a cry that echoed repeatedly Ca m’a fait échapper un cri que l’écho a répété
Where are you now, Autumn with the short hair? Où êtes-vous maintenant, Automne avec les cheveux courts?
I held the color of that silk dress within my heart Je gardais la couleur de cette robe de soie dans mon coeur
I still love the color of that dress so much J’aime toujours autant la couleur de cette robe
I still love the color of that dress so much J’aime toujours autant la couleur de cette robe
I still love the color of that dress, my dear. J’aime toujours la couleur de cette robe, ma chère. »
Chanson Áo lụa Hà Đông (Ngô Thụy Miên – Nguyên Sa) 1974
TABLE DES MATIERES
LES TAMBOURS DE DONG SON 3
LES SŒURS TRUNG 6
AU XVe SIECLE 8
AU XVIIIe SIECLE 10
AU XIXe SIECLE 14
AU XXe SIECLE 20
DOCUMENTS SUPPLEMENTAIRES 28