HOANG THI THE : fille du DE THAM / HOÀNG THỊ THẾ: con gái của Đề Thám.
Il y a cent ans, disparaissait Hoang Hoa Tham dit le De Tham, une des figures les plus importantes de l’histoire vietnamienne qui s’illustra pendant le conflit avec la France. Personnage de légende dans l’esprit populaire, Il laisse une fille, Hoang Thi The, qui connut une destinée hors du commun ainsi qu’un fils, né en 1908, Hoàng Hoa Phôn, également appelé Hoàng Bùi Phôn et Hoàng Vàn Vi, et qui disparaîtra tragiquement en 1945.
Née le 31 mars 1905 à Phuong Xuong (1), Hoang Thi The est fiancée à un des fils de l’Empereur de Chine à l’âge de 3 ans (2). Elle partage la vie aventureuse de sa famille, jalonnée d’épisodes de luttes et de fuites dans la forêt du Yên Thê.
Dans cette province boisée et marécageuse, située au nord-est de Hanoï où se déroulent des escarmouches fréquentes, elle est capturée par les Français, en juin 1909.
Sa mère, Dang Thi Nho, surnommée Ba Ba Cân (Madame 3ème épouse), est arrêtée le 1er décembre, près de Cho-Go. Conduite auprès du chef de bataillon Bonifacy, elle déclare : « Je suis Dang Thi Nho, concubine du Dé-Tham et je viens vous servir, grand mandarin » mais malgré ses protestions, elle est conduite auprès du Kham-Saï, responsable de la lutte contre le De Tham. Exilée vers la Guyane, elle meurt de tuberculose au lazaret d’Alger durant son transfert, le 25 novembre 1910. Elle savait monter à cheval, manier les armes, et pouvait, disait-on, prédire l’avenir (3).
Son père, Hoang Hoa Tham, est tué le 10 février 1913 (5 janvier lunaire), trahi par des mercenaires chinois à la solde des Français (4).
Après une éducation française au Tonkin, elle arrive en France en 1917, avec la famille d’un fonctionnaire des Douanes et Régies (5). Adoptée par Albert Sarraut (gouverneur général de L‘Indochine), elle fait ses études à la pension Jeanne D’Arc à Biarritz (6). Elle prend le nom de Marie Beatrice Destham (7).
De retour au Tonkin, elle devient bibliothécaire de la Résidence Supérieure à Hanoi en tant que fonctionnaire français (8). Elle y restera de 1925 à 1927 et habitera quelques temps avec son frère Hoang Van Vi, dit Phon, dans la rue Ham Long.
De retour à Paris, Albert Sarraut la présente, en tant que princesse. Le Président de la République, Paul Doumer, devient son parrain et lui obtient une pension qui suscita une vive polémique (9).
En 1930, elle débute sa carrière d’actrice dans un film de Louis Mercanton, tiré d’une nouvelle de William-Somerset Maugham : « LA LETTRE ». Elle se fait appeler « Princesse Hoang Thi The » et les journaux la qualifient de « Princesse chinoise » (10).
Elle se marie le 14 aout 1931, à la mairie de Saint Amand en Caudéran (commune rattachée à Bordeaux, le 22 février 1965), avec Jean Joseph Bernard Robert Bourgès, âgé de 24 ans et sans profession. Son témoin est Albert Sarraut, Sénateur Gouverneur général des Colonies et Ambassadeur de France.
Cette union provoque des réactions dans certains journaux quant au libellé de leur faire part et à son titre de « princesse » ; le Président de la République et M. Albert Sarraut ont l’honneur de vous faire part du mariage de leur pupille, la princesse Hoang Thi-Thé…(11).
Elle habite alors, 42 rue de Moscou, à Paris. Son mari était directeur pour l’Afrique, de « Cinéma et Publicité » et habita longtemps Alger (12).
Cette même année, elle tourne dans un second film, réalisé par Jack Salvatori : « LA DONNA BIANCA », tiré lui aussi d’une nouvelle de William-Somerset Maugham.
Le 6 mai 1932, elle prodigue les premiers soins à son parrain, Paul Doumer, président de la République française, assassiné par le Russe Gorguloff, à l’hôtel Salomon de Rothschild, 11 rue Berryer à Paris. (13).
Le 12 octobre suivant, on annonce son départ pour Saigon, accompagnée de sa dame de compagnie, la comtesse Nguyen Thi Ba, sur le paquebot Chantilly, lors d’une croisière organisée par le Touring-Club de France, (14).
Le 14 mai 1935, elle met au monde un fils, Jean Marie Albert Arthur. Cette même année, elle tourne dans le film de Maurice de Canonge, « le Secret de l’Emeraude ».
Elle divorce le 19 janvier 1940 et retourne à Hanoï.
En 1959, elle est sollicitée par le nouveau président Ngo Dinh Diem, successeur de l’Empereur Bao Dai, pour retourner à Saigon. Lors d’un voyage d’affaires à Paris, la belle-sœur du président, Ngo Dinh Nhu, tentera de la convaincre de revenir, Hoang Thi thé ne donnera pas suite.
Elle prend la décision de rentrer à Hanoi avec l’aide de Phan Ke Toai, vice premier ministre de la république démocratique du Vietnam qui tirait ainsi un avantage politique certain, du nom du De Tham.
En 1961, elle habite 16 rue Boulbonne à Toulouse (15). Peu après, le gouvernement vietnamien la sollicite pour prendre la direction d’une librairie d’ouvrages français, à Bac Giang.
En 1974, elle retourne à Hanoi et habite dans la chambre 31 du dortoir de Van Chuong (16).
Hoang Thi The meurt le 9 décembre 1988. Elle est inhumée à Phon Xuong, Yen-Thé – Bac Giang (Ier novembre lunaire).
Cet article est le témoignage d’une existence extraordinaire. S’il apporte quelques lumières sur l’histoire de Hoang Thi Thé, grâce à la collaboration d’historiens et de journalistes, Français et Vietnamiens, il laisse beaucoup de zones d’ombres et de questions sur sa famille et les différents acteurs qui ont jalonné sa vie. D’autres auront à cœur, je l’espère, d’éclaircir et de compléter cette biographie. En cette année 2013, où l’on commémore les quarante ans des accords de paix de Paris et des relations diplomatiques entre la France et la République socialiste du Viêt Nam, Hoang Thi Thé apparait comme un symbole d’espoir de sentiments apaisés pour une paix durable.
2013 03 31 – Philippe Chaplain.
- D’après son acte de mariage et celui de la naissance de son fils. Selon d’autres sources, elle serait née en 1901 ou 1903 et sa carte d’identité, établie le 14 février 1961, par la préfecture de Haute-Garonne, mentionne l’année 1904 à Tonkin (Indochine) ! Sur sa sépulture est notée 1901.
- Lors d’une interview au Straits Times, le 3 janvier 1931, elle énonce ce fait en ajoutant qu’elle ne rencontra son fiancé, alors âgé de 5 ans, qu’une seule fois. Ils simulèrent une bataille royale mais il la battit de façon brutale et vulgaire. Dans un élan dithyrambique, le journaliste titra : « Une Princesse chinoise – Comment elle fut battue par le fils de l’Empereur ».
- Le Temps, 10 septembre 1909, 16 septembre 1909, 5 janvier 1910 et 21 septembre 1910 qui fait un compte rendu très détaillé de son arrestation et aussi . … « Réputée chez les indigènes pour sa bravoure et sa haine contre les français. » Gouvernement général de l’Indo-Chine. Protectorat du Tonkin. Histoire politique et militaire de la province de Thai-Nguyên. Ses forces de police. Echinard Alfred, 1934, pages 170 & 173.
- LE DE THAM par Claude Gendre, Edition l’Harmattan, probablement le livre le plus documenté sur ce personnage.
- Trente ans de Tonkin, Louis Bonnafont, 1924, page 368.
- Le Petit dauphinois (Grenoble), 8 mai 1936, page 8.
- Tuong Quan Hoang Hoa Tham, page 16, Lê Minh Quoc, Phu Nhuân Ngay, 2 septembre 1995.
- L’Eveil économique de l’Indochine, 29 mai 1932, page 17.
- L’Eveil économique de l’Indochine, 18 septembre 1932, page 15. (Le retour en Indochine de Hoang Thi The est annoncé pour cette année là et l’on trouve aussi quelques informations sur son frère, resté au pays). L’Eveil économique de l’Indochine du 12 juin 1932, page 17, nous informe que Thi Thé avait obtenu une rente de 30000 francs en compassion des biens confisqués à son père qui représenteraient 30 000 hectares et pour lesquelles elle demandait la somme de 500000 francs. Dans L’Eveil économique de l’Indochine, 28 février 1932, page 11, on trouve un article qui ironise de façon acerbe sur son titre galvaudé de « princesse » et présente un dessin caricatural de sa mère par Cezard. Il laisse entendre que Hoang Thi thé essaya de se faire octroyer des terres en sollicitant la famille Varenne. On retrouve le même ton dans celui du 25 octobre 1931 (page 16) avec l’approbation de la décision (non appliquée encore en 1938 !) de supprimer sa pension par le Conseil économique du Tonkin, depuis son mariage (page 18). Ironie et agressivité encore, dans ceux du 29 novembre 1931, pages 4 & 16, du 11 juin 1933, page 11, 26 juin 1932, page 17… Dans les Comptes administratifs du budget local du Tonkin, on trouve les sommes allouées à Hoang Thi Thé ; 195.31 piastres pour janvier 1927 (page 378), 195.31 pour février 1927 (page 380) et encore pour la même année, pages 381 & & 382, 2000 piastres en 1936 pour « Frais d’entretien dans la Métropole » (page 270), 1500 piastres en 1937 (page 302). Dès 1931, la commission du Conseil français des intérêts économiques et financiers au Tonkin fait part de sa réprobation sur cette indemnité injustifiée qui perdurait (Conseil français des intérêts économiques et financiers du Tonkin), 1929-1931, pages 125, 203 & 211. Idem en octobre 1935, page 101 (avec des propos très virulents), novembre 1936 pages 19 & 20, novembre 1937, pages 89, 130 & 134, septembre 1938, pages 13 & 15. Le Figaro du 29 août 1931 se contente de reprendre le communiqué de l’ARIP.
- CINE-MIROIR n°296, couverture du 5 décembre 1930
- L’Eveil économique de l’Indochine, 25 octobre 1931, pages 16 & 18, 29 novembre 1931, pages 4 & 16, 28 février 1932, page 11, 29 mai 1932, page 17, 12 juin 1932, page 17, 19 juin 1932, page 10, 26 juin 1932, page 17 (avec la mention du faire part de mariage), 28 août 1932, page 19, 18 septembre 1932, page 15, 11 juin 1933, page 11.
- Généalogie de la Famille Bourgès sur internet
- . … «Une infirmière volontaire, une petite princesse annamite, filleule de M. Doumer, aide à soigner le blessé. » L’illustration, 14 mai 1932, N°4654-90e Année, page 36. (voir aussi L’Eveil économique de l’Indochine du 19 juin 1932, page 10 et autres numéros cités précédemment).
- L’Eveil économique de l’Indochine, 3 juillet 1932, page 19.
- Carte d’identité de Hoang Thi thé, collection Claude Gendre.
- Tuong Quan Hoang Hoa Tham, page 16, Lê Minh Quoc, Phu Nhuân Ngay, 2 septembre 1995.
Illustrations :
- Cp 1905, collection Philippe Chaplain, Hoang Thi Thé est à ses cotés. Dans ses notes non éditées, page 45, la photo est inversée et ne comporte que le De Tham et elle-même. Elle est sous-titrée : “Hoàng Hoa Thám and Hoàng Thị Thế (1905).”
- Cp 1911, collection Philippe Chaplain. Il y a une erreur dans la légende car la »petite fille du De Tham » est en fait sa fille, Hoang Thi Thé.
- l’Illustration n°. 3461, Paris, Juin 26, 1909, p. 442
- Cp, collection Philippe Chaplain.
- Cp, collection Philippe Chaplain.
- Caricature de Cézard, L’Eveil économique de l’Indochine, 28 février 1932, page 11.
- Couverture de Ciné-Miroir n° 296, 5 décembre 1930, collection Philippe Chaplain.
- Affiche du film « La Lettre », site web, encyclocine.com.
- Le Petit dauphinois (Grenoble), 8 mai 1936, page 8.
- Hoang Thi Thé en 1932, photo de Mary Evans.
- L’illustration, 14 mai 1932, N°4654-90e Année, page 36, collection Philippe Chaplain.
- Photo de sa sépulture, 30 novembre 2008, collection Nguyen Tuong Van
- Photo de sa sépulture, 30 novembre 2008, collection Nguyen Tuong Van
Remerciements : Merci à Claude Gendre, Nguyen Thi Tham, Nguyen Tuong Van, Sophie Rousselle et Van Thao Trinh, pour leur aide et leurs conseils avisés.
Au sujet de son titre de princesse, il conviendrait d’étudier les demandes simultanées de bourse et de rapatriement gratuits de Melles Hoang Thi Nga (fille du Tong Doc de Hanoï), Hoang Thi The et de la vraie Princesse d’Annam, Nhy May (fille de Ham Nhgi Nguyen Ngoc, Empereur d’Annam, 1871-1944), née le 17 août 1905, à Alger, inhumée le 3 novembre 1999 à Thonac (24).
Il existe à la Bibliothèque de l’Assemblée nationale, une lettre du président du Sénat DOUMER au ministre des Colonies François Piétri, datée du 18 février 1930, recommandant la princesse annamite pour un emploi. Ms 1686 (PB 9970).
A propos de son frère, Hoang Van Vi, dit Phon, né en 1908, mis dans la famille d’accueil Ly Chuot à l’âge de 1 an (Le Minh Quoc) :
« Below s about Mr Hoang Van Vi (Phon), Hoang Van Vi was born in 1908 and was sent to family of Madam Ly Chuot immediately. In the year 1935, Writer Thach Lam went to Bac Giang to visit him. And the only son of De Tham talked about his life as below: My Mom feed and love me (Madam Ly Chuot) as her own child. She has endured too much suffering because of me. When I was 1 year old, her son-in-law sneak out to the Government Office of Province to report, Government came to catch me, my mother and another child. No matter what they asked, my mom still insisted that I am her own child. They catched her another son who is 17 years old that year, put him in a cage and roll him over spikes, my mon had just tear shook her head. Finally, in somehow, they took me and my mom go around from Province to Province to find someone who knows my father to see if there’s any ppl can recognize that I look like my father. Fortunately at that time, I look like my mom strangely. Therefore, after boring go everywhere, they let us go back to the village. For several years to be safe. The last son-in-low who reported me to the Government, my father catch him and tied down him to the rice tree, but my mom keep ask my father to forgive him, then my father forgive him. Sometimes there were some French came to visit me and gave me money, there was nothing else. Until Thai Province had been lost, I was 7 years old, they catched me to the Province, sent me to Mr An Giap Bac Giang to be feed and sent me to school also. Every single step, there were 2 soldiers steps beside me, they were afraid that I could escape. But that year I was still too small , I didn’t know anything. Like that, I had stayed in the house of Mr An for around 5 or 6 years. In the year of I was 12 years old, they sent me to Hanoi to study at Bach Nghe Ha Noi School. When arrived school, saw some machines were running, I liked so much, I applied to study at Machine Department. But didn’t know why they didn’t accept my application and forced me to study Carpentry Dept. I didn’t listen to them, but they kept seduce me, even there was a Teacher in that school came to seduce me. I had no choice. 3 years in school, endured too much suffering. When I was 16 years old, because of the “Corvee” punishment, I asked my sister to talk to Mr Thong Su to let me go back hometown to do farm jobs. After that, Mr Phon got married with Mr Thong Luan’s daughter. Gave born 3 children.” Icons in Disguise: Vietnamese Resistance Figures Hoàng Hoa Thám and Ba Biểu in French Colonial Images and Related Texts, 1909-2007 Ellen Takata |