« Il est loin de Bourg-la-Reine, le temps des agitations révolutionnaires, des austérités cruelles ! Dans ce village élégant et simple, dont la maîtresse industrie est l’horticulture, qui donc reconnaîtrait l’ardent district de Bourg-Egalité ? Seuls les jardins y ont la couleur du sang : c’est qu’ils sont couverts des roses splendides que les artistes multiplient, diversifient à l’infini. En ce genre, MM. Margottin ont créé de véritables merveilles que Paris admire tous les ans, aux expositions de fleurs et de fruits des Champs-Elysées. Les serres de Margottin sont l’orgueil du pays des farouches sans-culottes de 1793. » … La vallée de la Bièvre).


JACQUES JULIEN MARGOTTIN

Jacques Julien Margottin (dit Margottin Père) naît le 7 septembre 1817 au Val Saint-Germain (Essonne). Son père, Jean Baptiste Mathurin, marié à Marie Françoise Marguerite Sassin, est célerier (celui qui engrange les récoltes).

A partir de 1831, il travaille au château du Marais comme apprenti jardinier chez le Comte Molé : « A 14 ans, j’ai dû gagner mon pain…J’étais orphelin et pour tout héritage, mon père ne m’avait laissé qu’un rasoir. »(Le Jardin – 1892).

En 1835, il entre comme garçon jardinier chez M, Boscary de Romaine, propriétaire à Lisigny ( ) près de Brie-Comte-Robert.

En février 1838, il rejoint l’établissement réputé de M. Soulange-Bodin à Fromont( ) près de Ris-Orangis, dirigé par M. Kétleêr, avec la volonté de se perfectionner dans les différentes branches de l’Horticulture.

En août 1838, exempté de service militaire en tant que fils aîné orphelin, il part travailler chez le pépiniériste Josselin, à Châteauneuf-sur-Loire (Loiret) puis chez le fleuriste Quentin à Paris.(Journal de la Société Nationale d’Horticulture de France – 1892)

En 1839, il est admis auprès du célèbre arboriculteur Alexandre Hardy au Jardin du Luxembourg. Nommé chef jardinier, il aura la responsabilité de la roseraie pendant un an.

En 1840, il se marie avec Henriette Virginie Léautey, à Paris 12è. Il quitte sa charge au Luxembourg et s’établit à Ivry-sur-Seine comme rosiériste. La proximité d’une usine a gaz l’oblige à déménager son activité. Il s’installe au n° 33 de la rue du Marché aux Chevaux à Paris …, non loin du Jardin des Plantes, dans un quartier qui est alors un grand centre horticole. Travailleur infatigable, secondée par son épouse, il rend son établissement prospère au point qu’il devient trop petit

En 1857, il emménage à Bourg-la-Reine au n° 22 de la Grande-rue, dans la propriété du Petit Luxembourg qui avait appartenu à Colbert (actuel square Jean-Baptiste Colbert). Il exerce alors le métier de jardinier, puis celui d’horticulteur et plus particulièrement de rosiériste. « Soixante-seize obtentions mises au commerce » lui sont attribuées entre 1845 et 1877 (Nomenclature de Simon & Cochet).

En 1860, il est élu conseiller municipal. En 1878, il est nommé Chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur, à la suite du succès qu’il rencontre pour ses créations lors de l’Exposition Universelle.

En 1880, il a l’honneur de figurer en tant que 13ème personne la plus imposée de la commune de Bourg-la-Reine pour la somme de 427, 55 francs!

Le 13 mai 1892, il décède à Bourg-la-Reine et repose dans le cimetière communal. Il laisse quatre enfants auxquels il avait donné, pour chacun, le nom d’une de ses créations : la rose Rosine Margottin en 1849, la rose Jules Margottin en 1853, la rose Louise Margottin en 1862 et la rose Charles Margottin en 1864.

En 1906, la municipalité lui rend hommage en donnant son nom à une nouvelle rue tracée au milieu de ses anciennes cultures.

Membre fondateur de la Société Horticole, Jacques Julien Margottin s’est fait un nom à part dans la culture des rosiers et des chrysanthèmes. Nombre de ses créations perpétuent, aujourd’hui encore, le souvenir de ses efforts et de son expérience : le Jardin des Plantes, les parterres de Bourg-la-Reine, mais aussi les roseraies de Sangerhausen en Allemagne, de l’Hay-les-Roses, entre autres lieux, offrent encore aujourd’hui le spectacle enchanteur de ses créations. François Joyaux nous apprend qu’à la Belle Epoque de Paris, on allait visiter la roseraie de l’Hay. On prenait le train jusqu’à Bourg-la-Reine : là, à la gare, des voitures envoyées par Jules Gravereaux (créateur de la roseraie de l’Hay), venaient chercher les invités. En 1899, Edouard André, l’architecte de la roseraie de l’Haÿ-les-Roses déclarait : « Bourg-la-Reine a vu naître toutes les roses nouvelles dont Margottin a doté nos jardins », quel plus bel hommage de ses pairs pouvait recevoir nôtre illustre concitoyen !

NOM

RACE

ANNEE
DE
COMMER-
CIALISATION

COULEUR

Adolphe Brongniart (1)

HR

1868

carmin brillant

Adrienne de Montebello

HR

1868

rose

Alexandre Dumas

HR

1861

 

Alexandre Dunant

HR

 

rose tendre

Alexandrine Bachmetieff

HR

1852

rouge vif

Anna Alexieff

HR

1858

saumon clair

Armide

HR

1858

rose vif

Baron Heckeren de Wassenaer

HR

1852

rose

Belle de Bourg-la-Reine

HR

1859

rose satiné

Bernard Palissy

HR

1863

carné vif

Blanche de Beaulieu

HR

1850

blanc ombré rose

Captain John Franklin

HR

1853

rouge clair

Charles Margottin

HR

1864

carmin vif

Charles Tuner

HR

1869

rose vif

Colonel Foissy

HR

1849

cerise clair

Comte de Mortemart

HR

1879

rose clair

Comtesse Ouwaroff

HR ou T

1861

rose ombré

Comtesse Vaillant

HR

1854

violet clair

Deuil du Colonel Denfert

HR

1878

pourpre noir

Docteur Baillon

HR

1878

cramoisi

Docteur Jenner

HR

1868

cramoisi

Duc de Cambridge

HR

1867

rouge foncé

Duc de Magenta

T (2)

1859

rose saumoné et blanc

Duchesse d’Aoste

HR

1867

rose vif

Duchesse de Montpensier

HR

1847

rose satiné

Duchesse de Norfolk

HR

1853

rose carminé

Fernand Lemarchand

HR

1878

rose satiné

Général Bedeau

HR

1851

rose vif

Général Cavaignac

HR

1849

rouge foncé vif

Gloire de Bourg-la-Reine

HR

1879

écarlate

Gloire de France

HR

1853

carmin nuancé

Gloire de Margottin

HR

1887

rouge vif

Henriette Petit

HR

1878

amarante

Inermis

HR

1851

rose clair pâle

Jean Bart

HR

1860

violet rougeâtre

Jean Goujon

HR

1862

rose foncé

Jeanne Halphen

HR

1878

rose tendre

Joseph Decaisne

HR

1851

rose

Jules Dutertre

HR

1849

rose vif

Jules Margottin

HR

1853

carmin et poupre

La Boule d’Or

T

1860

jaune d’or

L’écarlate

HR

1857

ponceau violacé

Léopold II

HR

1868

rose saumoné

Linné

HR

1878

rouge foncé

Lord Palmerston

HR

1857

rose

Louise Margottin

Bo (3)

1862

rose tendre

Louise Odier

Bo

1851

rose tendre

Madame Comtesse

Bo

1857

carné

Madame Cousin

Bo

1849

rose tendre

Madame de Ridder

HR

1871

amarante

Madame Domage

HR

1853

cramoisi

Madame Doublat

HR

1878

carmin

Madame Escallier

HR

1878

rose clair

Madame Frémion

HR

1853

cerise

Madame Jeannine Joubert

HR ou Bo

1877

 

Madame Joseph Halphen

T

1858

aurore

Madame Pierre Place

HR

1854

rose vif

Madame Theodore Martell

HR

1854

chair

Madame Tripet

Bo

1845

rose foncé

Madame Van Houtte

HR

1857

rose tendre

Mademoiselle Amélie Halphen

HR

1864

carmin

Mademoiselle Juliette Halphen

HR

1869

rose clair

Maréchal Forey

HR

1862

cramoisi

Marquise de Foucault

T

1860

crème

Multiflore

HR

1849

rose tendre

Préfet Limbourg

HR

1878

rouge vif

Prince Humbert

HR

1867

écarlate

Princesse Trigano

HR

1878

pourpre cramoisi

Queen Victoria

HR

 

Chair

Raoul Guillard

HR

1885

vermillon et amarante

Révérend d’Ombrain

Bo

1863

carmin

Rosine Margottin

HR

1849

carné clair

Souvenir de Poiteau

HR

 

1868 saumon

Souvenir de Solférino

HR

1861

carmin nuancé brun

Souvenir du Comte de Cavour

HR

1861

cramoisi

Thomas Rivers

HR

1857

lilas

Triomphe de l’Exposition

HR

1855

rouge velouté

Triomphe de Paris

HR

1852

rouge foncé velouté

Vicomte Fritz de Cussy

Bo

1845

cerise nuancé

HR : Hybride remontant
T : Thé
B : Bourbon

« Au début de sa carrière, il commença par travailler les Bourbon et les Noisette. Au total, il en mettra une petite dizaine au commerce. Il obtint également quelques roses de thé : cinq tout au plus, dont aucune n’a survécu. En fait, sa véritable spécialité, ce furent les Hybrides remontants : ils représentent 80% des nouveautés qu’il mit au commerce. Mais comme on le sait, ceux-ci, à l’époque, furent extrêmement (trop ?) nombreux et beaucoup ont été perdus : ceux de Margottin ne font pas exception.

Au total, il ne nous reste que 15% des variétés obtenues par Margottin. La plus ancienne, est Vicomte Fritz de Cussy, une Bourbon de 1845, qui se trouve être la première variété qu’il mit au commerce, et par conséquent la plus ancienne des roses de Bourg-la-Reine. Et par pure coïncidence, la plus récente est l’Hybride remontant Gloire de Margottin, datant de 1887, qui fut la dernière variété qu’il mit au commerce, alors qu’il était déjà âgé de 70 ans. Mais de toutes ces roses, celle qui demeure la plus populaire est la Bourbon Louise Odier (1851). C’est un grand arbuste de 1,80 m environ, très florifère, qui donne des fleurs rose qui ressemblent un peu à celles du camélia. Et surtout, c’est l’un des Hybrides remontants effectivement les plus remontants (ce qui n’est pas toujours le cas !), d’où son succès. ». (François Joyaux – Rosa Gallica – mars/avril 2004).

JULES AUGUSTE MARGOTTIN

Fils aîné de Jacques Julien, Jules Auguste Margottin (dit Jules Margottin fils), naît le 20 octobre 1842 à Ivry-sur-Seine, au n° 32 de la rue Guéraux.

Horticulteur comme l’était son père, il devient aussi pépiniériste et installe son activité au n° 12 de la rue du Chemin de fer (actuelle rue René-Roëckel).

Le 14 juin 1870, il se marie avec Amélie Buret à Paris IVè. Ils auront 2 garçons, Albert Julien et Georges Eugène et une fille Louise Amélie, tous nés à Bourg-la-Reine.

ENTRE 1884 ET 1892, il s’établit à Pierrefitte (…). Il est nommé Chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur. Il continue l’œuvre de son père mais avec moins de succès. Il n’aura que cinq obtentions, dont quatre furent mises au commerce du vivant de son père. Il ne reste en culture que Madame Jeannine Joubert (Bourbon 1877).

Aujourd’hui, la ville rend hommage à ceux qui contribuèrent à donner au nom de Bourg-la-Reine une célébrité universelle et à en faire ce havre de repos que l’on peut apprécier aujourd’hui : « Tandis qu’il m’entretenait des secrets de l’hybridation, je contemplais avec délices ce vaste jardin de roses dont les teintes blanches ou cramoisies ressortaient mieux encore sur le vert profond des futaies, et je me réjouissais de ce qu’en cette fin de siècle tapageuse et stérile, en dépit des politiciens, des rhéteurs et des cuistres, il y eût encore des coins de verdure et de soleil, des retraites ignorées et pacifiques où d’honnêtes gens demeuraient épris des beautés naturelles et se trouvaient heureux en faisant croître et fleurir des roses ». (André Theuriet, 30 juin 1999, lors d’une visite à la roseraie de l’Haÿ avec Jules Gravereaux).(1)

(1) André Theuriet, poète, académicien, Maire de Bourg-la-Reine de 1896 à 1900…….

Philippe CHAPLAIN
Chaplainph@wanadoo.fr